L’injustice foncière que subissent les paysanneries de la région (MENA) est particulièrement caractéristique des politiques capitalistes et extractivistes. Les transformations des secteurs agricoles vers le modèle intensif, fortement mécanisé et modernisé et principalement orienté vers l’export a, en plus de l’aggravation et de l’enracinement de la dépendance alimentaire, aussi créé un gap extraordinaire entre les millions de paysan.ne.s dépossédé.e.s de leurs ressources naturelles, appauvri.e.s et marginalisé.e.s et les quelques grands possédants et investisseurs qui accumulent des bénéfices et des richesses parfois sans comparaison avec les réalités sociologiques et économiques locales. Héritage de l’époque coloniale, les inégalités foncières actuelles témoignent aussi des changements profonds des modes et relations de production et de l’abandon accéléré de l’agriculture paysanne qui aggrave et renforce l’insécurité alimentaire locale et la dépendance alimentaire nationale. Ces inégalités foncières et leurs évolutions montrent assez clairement la complexité et la gravité du problème.
Dans la région MENA, « en 1951, 0,1% des propriétaires terriens possédaient 20% des terres cultivées ; 99 grands propriétaires possédaient 7,3% des terres agricoles, tandis que 3 millions de fellahin ne possédaient que moins d'un feddan (1 feddan : 0,42 hectare) chacun. Ces quasi-sans-terres constituaient 75% des propriétaires terriens mais ne possédaient que 13% des terres cultivables » (Bush 2016, 6).
Aujourd’hui, 60% des exploitations ont moins d'un hectare, mais plus de 50% des terres sont occupées par des exploitations de plus de 10 hectares. (Lowder et al. 2014, 13). 84% des exploitations appartiendraient à la catégorie de l'agriculture familiale, mais ne contrôlent que 25 % de la superficie cultivée. Le niveau d’inégalité est probablement plus visible en précisant que 85% des exploitations sont tenues par des paysan.e.s possédant moins de 5 hectares, alors qu’environ 6% ont entre 10 et 50 hectares et occupent 40 % de la superficie totale. (Bush 2016, 7).
Bibliographie
- Ray. (2016). "Family farming in the Near East and North Africa," Working Papers 151, International Policy Centre for Inclusive Growth. Rome. FAO.
- Lowder, Sarah K., Jakob Skoet and Saumya Singh. (2014). ‘What Do We Really Know about the Number and Distribution of Farms and Family Farms in the World?’ Background paper for The State of Food and Agriculture 2014, ESA Working Paper No. 14–02, August 8. Accessed from http://www.fao.org/economic/esa/publications/details/en/c/220356/
Animé par
Politicologue. City University of New York (CUNY) |
Politicologue. Global Studies and International Affairs. City University of New York (CUNY) |
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Dépendance alimentaire et héritage colonial
Le mythe de l’indépendance alimentaire s’est dissipé depuis l’accès de la Tunisie à l’indépendance politique en 1956. Dans ce travail, nous mettrons l’accent beaucoup plus sur la politique coloniale dans le domaine de l’agriculture depuis l’établissement du protectorat jusqu’aux premières années qui suivirent la seconde guerre mondiale. Peut-on dire que notre agriculture souffre d’un héritage colonial défavorable ? Cet héritage concerne évidemment les mécanismes de la mise en marche d’un secteur agricole qui répond aux besoins du marché local, mais aussi qui alimente les marchés externes et la Métropole en premier lieu. Et si nous souffrons aujourd’hui d’une dépendance alimentaire, faut-il, aussi, chercher des explications dans les politiques du nouvel Etat indépendant ? |
Béchir YAZIDI
Historien, Université de Manouba à Tunis. Spécialiste d’histoire contemporaine. Parmi ses nombreux travaux et publications, (2005) La politique coloniale et le Domaine de l’Etat en Tunisie , de 1881 jusqu’à la crise des années trente, Ed. Faculté des Lettres de la Manouba et Ed Sahar, Tunis. (en franjáis). Il est aussi l’auteur de nombreux articles dans des revues spécialisées en Tunisie, Maroc, France, Espagne Liban et qui traitent du Domaine de l’Etat et essentiellement le domaine hydraulique durant la période coloniale. |
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Mohamed Mahdi Mohamed Mahdi est professeur de Sociologie rurale à l’Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès. Il a obtenu son Doctorat es-sciences (sur Les société des Pasteurs du Haut-Atlas) à l’université de Casablanca. Depuis plusieurs décennies il a conduit des recherches en sociologie rurale sur les questions du changement social et du développement agricole, rural et territorial, particulièrement chez les communautés sédentaires du Haut-Atlas, les transhumants du Moyen-Atlas, les nomades des zones steppiques de l’oriental et récemment du Sahara. |